Robert Polidori: PRÉSENCES

Galerie Karsten Greve Paris - Côté cour
Mardi au Samedi: de 10h à 19h
Vernissage
le samedi, 12 avril 2025, de 17h à 21h
La Galerie Karsten Greve est heureuse de dévoiler Présences, une exposition personnelle du photographe canadien Robert Polidori. Elle s’articule autour d’une sélection de photographies prises à Versailles, Pripyat, Beyrouth et la Nouvelle-Orléans.
Artiste du temps, Robert Polidori fait résonner architecture et mémoire, entraînant l’observateur dans les dédales de l’Histoire. Ses clichés aux larges dimensions sont réalisés à la chambre grand format, avec un temps d’exposition long et un point de vue étudié. Ils capturent avec une netteté remarquable la diaprure des tissus, la patine des murs et la profondeur des couleurs. Les photographies enveloppent le spectateur, qui
plonge dans des détails saisissants, comme happé par une fenêtre ouverte sur un temps révolu.
Robert Polidori documente dès le début des années 1980, sur plus de trente ans, les longs travaux de rénovation de Versailles.
Entre reportage et contemplation, les photographies témoignent du processus de restauration en soulignant détails architecturaux, matières et couleurs, tout en offrant une vision intime du château.
L’artiste ne se contente pas de capturer la splendeur des lieux, il explore également leur vieillissement, entre grandeur historique et réalité de conservation.
En 2001, Polidori s’aventure à Pripyat, Ukraine. Construite dans les années 70 pour accueillir les travailleurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl, Pripyat devient une ville fantôme après la catastrophe d’avril 1986.
Les clichés réalisés par Polidori racontent par l’absence et le vide le cours d’existences brutalement interrompues, comme cette salle de classe où subsistent quelques chaises rouillées. La netteté des détails, le contraste entre la douceur de la lumière et la dévastation de la scène créent une atmosphère étrange, irréelle.
L’artiste poursuit son exploration de cette esthétique de l’abandon en réalisant en 2005 une série sur le passage de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans. Arrivé sur un coup de tête immédiatement après le désastre, Polidori est aux premières loges d’un spectacle de désolation dont il livre un témoignage poignant. Chaque intérieur paraît bruire encore de la présence de ses anciens habitants : une rangée d’ustensiles survole une cuisine déchiquetée, un crucifix impassible, au milieu du chaos d’une chambre, semble veiller.
Cette poésie architecturale s’illustre encore dans ses tirages des années 2010, lorsqu’il photographie l’Hôtel Petra à Beyrouth. Ce palace autrefois grandiose est détruit durant la guerre civile libanaise entre 1975 et 1990.
Promis à une restauration qui ne viendra jamais, ce symbole de l’avant-guerre tombe dans l’oubli. Polidori découvre avec stupéfaction un rare exemple de « décomposition intacte ».
Saisi par la beauté des murs dont l’usure lui évoque des tableaux contemporains, il réalise plusieurs clichés sublimant la mélancolie des lieux abandonnés.
À travers l’objectif de Polidori, les ruines deviennent des oeuvres d’art intemporelles, où la splendeur surgit du déclin. Son travail magistral de la lumière et des textures révèle des beautés insoupçonnées, et ça et là, un pan de mur décrépi devient aussi majestueux qu’une tenture royale.
Robert Polidori explique que sa découverte de l’ouvrage L’art de la mémoire par Frances Yates a profondément influencé sa réflexion. Ce livre retrace l’histoire des moyens mnémotechniques, de la Grèce antique jusqu’au début du XVIIe siècle. Polidori confie avoir toujours pensé que la fonction principale de l’appareil photo était de servir l’histoire, en tant qu’outil. Or, dans L’art de la mémoire, il découvre le principe de la méthode des loci, ou méthode des lieux. Cette technique datant de l’Antiquité, popularisée par les orateurs grecs et romains, repose sur l’association d’informations à retenir avec des lieux bien connus. En reliant les données à une structure spatiale, elles sont plus faciles à récupérer pour le cerveau humain.
Cette idée que le souvenir est profondément lié aux lieux marque Polidori. Son travail, centré sur les espaces et leur capacité à raconter une histoire, même sans protagonistes, devient l’illustration de cette notion. Ses intérieurs liant passé et présent semblent ainsi des temples figés de la mémoire humaine.
Né à Montréal en 1951, le photographe canadien Robert Polidori, installé en Californie, est connu pour ses clichés à grande échelle des environnements urbains et des espaces intérieurs vides, explorant leur relation avec le temps, le souvenir et la décadence. Polidori considère les pièces et les lieux qu’il choisit comme des « théâtres de la mémoire » dont il ne reste plus que les structures, qui pourraient à tout moment disparaitre à jamais. Dans les années 1970, il arrive à New York, où il travaille aux Anthology Film Archives sous la direction de Jonas Mekas. En 1980, il est diplômé de la State University of New York. En 1998, il obtient le World Press Award pour son reportage de la construction du Getty Museum, puis en 1999 et en 2000 il reçoit le Prix Alfred Eisenstaedt pour ses photographies au New Yorker Magazine. En 2007 et en 2008 il obtient le Communication Arts Award. Récemment, en 2022, il reçoit la bourse du Guggenheim pour la photographie. Ses oeuvres font partie de nombreuses collections, dont celles du Los Angeles County Museum of Art (Los Angeles), du Metropolitan Museum of Art et du Museum of Modern Art (New York), du Victoria and Albert Museum (Londres) ou encore de la Bibliothèque nationale de France (Paris).